Aux Etats-Unis, Internet Archive poursuivi en justice par des maisons d’édition


Les premières auditions dans un procès opposant Internet Archive, le principal service archivant les pages Web par sa « wayback machine » (« machine à remonter dans le temps »), et quatre grands éditeurs internationaux de livres, se sont déroulées lundi 20 mars devant un tribunal de New York. Le groupe français Hachette et les éditeurs américains HarperCollins, John Wiley & Sons et Penguin Random House avaient porté plainte en 2020 contre la fondation qui gère Internet Archive, l’accusant de diffuser illégalement leurs livres sans respecter le droit d’auteur.

Internet Archive effectue depuis plus de vingt-cinq ans des sauvegardes de la quasi-totalité des sites Internet, pour préserver l’histoire du réseau. Au fil des ans, elle a noué de nombreux partenariats avec des bibliothèques, archives et institutions (dont la BNF en France), et collabore avec elles à la préservation de ce patrimoine.

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Mais cette gigantesque archive héberge aussi des copies de livres, de documents, de vidéos et même de jeux vidéo. En 2020, le site avait mis en place un service de « prêt » gratuit, après la fermeture des bibliothèques durant la pandémie de Covid-19. Ce service étendait une fonctionnalité préexistante, qui permettait aux utilisateurs de consulter des livres numériques pendant une période limitée, mais un même livre ne pouvait pas être consulté simultanément par plus d’une personne. Durant la pandémie, Internet Archive avait fait sauter cette restriction, permettant à plusieurs personnes « d’emprunter » simultanément un même ouvrage. Une pratique similaire à celles mises en place par de nombreuses bibliothèques dans le monde, qui offrent des services de prêt numérique, estime la fondation ; un piratage de masse, mis en place sans payer de licence aux éditeurs, objectent les quatre maisons d’édition qui ont porté plainte.

Débat sur la notion de « prêt »

Lors des premières auditions, le 20 mars, les avocats d’Internet Archive ont argumenté que le projet est non commercial, et estimé que le service entrait dans le périmètre de la doctrine américaine du fair use (usage raisonnable), qui prévoit des exemptions au régime classique de propriété intellectuelle, pour faciliter la diffusion des idées, et pouvait s’assimiler à un prêt classique en bibliothèque. Un argument clé rejeté par les avocats des maisons d’édition, pour qui le nouveau service d’Internet Archive revenait à diffuser des copies d’œuvres.

Le juge John G. Koeltl, qui présidait cette audience et doit notamment déterminer si un procès sera nécessaire pour trancher le litige, a semblé réceptif aux arguments des éditeurs, estimant que « la question de savoir si une bibliothèque peut prêter un livre (…) n’est pas la question que pose ce dossier ». Il a rappelé des précédents juridiques établissant que la copie intégrale d’un livre n’est pas couverte par la doctrine du fair use. M. Koeltl a cependant noté, au bénéfice de la défense, que les éditeurs n’avaient pas, à ce stade, apporté de preuve de l’éventuel manque à gagner qu’ils avaient encouru.

Une décision est attendue dans les prochaines semaines, mais ne devrait dans tous les cas être qu’une première étape dans ce qui s’annonce comme un long processus judiciaire. Une condamnation à d’importants dommages et intérêts mettrait directement en péril Internet Archive, structure associative au budget limité.



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